La santé brillante de l’esprit

La santé brillante de l’esprit

Par Karen Kissen Wegela

 

 

help instead nuisanceAider, c’est découvrir la santé brillante de l’esprit, la nourrir, lever les obstacles qui la recouvrent. Pour aider les autres à reconnaître leur santé fondamentale, la santé brillante de l’esprit, nous devons être capables de l’identifier en nous-mêmes.Traditionnellement, la santé brillante est décrite comme apparaissant de cinq manières fondamentales. Dans la tradition tibétaine du bouddhisme vajrayana, c’est ce qu’on appelle les « sagesses » ou les «  styles de santé de l’esprit ».

La santé brillante de l’esprit est comme le soleil. Chacun d’entre-nous est un prisme unique, au travers duquel la lumière du soleil passe et éclate en un spectre de cinq couleurs. Chaque couleur est associée à l’un des cinq styles de santé de l’esprit. Pour chacun d’entre nous, cette manifestation de couleurs est légèrement différente. Nous sommes tous dotés de ces cinq sagesses, mais en des proportions différentes pour chacun d’entre-nous. Se familiariser avec ces cinq sagesses nous aide à voir la santé qui est déjà présente en nous et chez les autres. Ces sagesses apparaissent parfois sous une forme diluée ou déguisée, mais nous pouvons malgré tout apprendre à les reconnaître.

Lorsque nous avons la santé de l’esprit comme point de repère dans notre travail avec les autres, nous sommes davantage capables de les aider à découvrir leurs ressources et à développer de la confiance. Si l’on pointe uniquement ce qui ne va pas chez eux, ils auront tendance à se voir seulement comme une somme de problèmes. Cela ne fera que diminuer leur capacité à prendre soin d’eux-mêmes et les conduira à une vision fausse d’eux-mêmes. Ils se sentiront inadéquats ou incapables de s’en sortir. Se concentrer seulement sur ce qui ne va pas, est une manière de recouvrir davantage la santé brillante de l’esprit, plutôt que de la découvrir.

Un exercice simple permet de souligner ce mécanisme. Pensez à quelqu’un que vous connaissez bien et avec qui vous avez eu quelques difficultés. Tout d’abord, faites une liste de toutes les choses que vous trouvez difficiles chez cette personne. Pensez, par exemple, à son style de communication, son apparence, la manière dont vous vous sentez avec elle, les décisions qu’elle a prises, ses vêtements, ses qualités personnelles. Laissez-vous vraiment imprégner de tout ce qui pour vous est source de difficulté dans la relation avec cette personne. Quand vous avez terminé, observez comment vous vous sentez à son égard. Beaucoup de gens disent ressentir quelque chose de négatif, par exemple, du ressentiment, de l’impatience, de l’antipathie ou du découragement.

Maintenant, faites au contraire une liste des choses que vous appréciez chez cette même personne. Mettez autant d’effort dans cette partie de l’exercice que vous en avez mis dans la première. Pensez aux mêmes aspects, le style de communication, l’apparence, comment vous vous sentez lorsque vous êtes avec elle, les décisions qu’elle a prises, les vêtements qu’elle porte, ses qualités personnelles. Comment vous sentez-vous après avoir terminé cette partie de l’exercice ? Vous avez peut-être des sentiments plus positifs envers cette personne. De l’estime, de la sympathie, de la tolérance ou de la bonne humeur.

En tant qu’aides, nous devons pouvoir travailler avec les problèmes. Mais nous devons faire plus. Nous devons être capables de reconnaître la santé de l’esprit. En tant que psychothérapeute, je passe souvent beaucoup de temps à travailler avec les obstacles qui m’empêchent de faire l’expérience de la santé brillante de l’esprit en moi-même et chez mes clients. Dans le domaine de la psychothérapie, nous avons différentes techniques d’évaluation, qui nous aident à être précis en ce qui concerne les désordres mentaux et les psychopathologies. En savoir davantage sur les cinq styles de santé de l’esprit nous apporte quelque chose de très différent. Cela nous aide à reconnaître et à apprécier la santé de l’esprit. Dans les prochains chapitres, nous étudierons de plus près les obstacles qui nous empêchent de faire l’expérience de la santé brillante de l’esprit, et comment travailler avec eux. Tout d’abord, regardons comment reconnaître la santé de l’esprit.

Notre approche commence par nous familiariser avec la santé brillante de l’esprit, sous ses maints déguisements. La manifestation des cinq couleurs de la santé brillante de l’esprit peut nous aider à voir notre douleur et notre détresse présente dans le contexte plus large de notre vie. Cela nous aide à ne pas nous limiter à nos problèmes actuels. Cela nous donne également une base nous permettant de reconnaître la santé de l’esprit et d’identifier des ressources dans certains domaines de notre vie, que nous pourrions autrement, ignorer. L’intérêt que nous portons à la santé de l’esprit nous amène naturellement à vouloir aider l’autre à cultiver la curiosité, l’ouverture et la chaleur. Dans ce chapitre, nous donnerons quelques exemples de la manière dont les cinq sagesses apparaissent lorsqu’elles sont voilées et déformées. Dans le prochain chapitre, «toucher et lâcher prise», nous explorerons la manière dont nous pouvons travailler avec ces sources potentielles de santé de l’esprit, pour nous y relier de nouveau.

La sagesse de l’ouverture

La première sorte de santé de l’esprit est associée à la couleur blanche, qui est comme l’absence de toute couleur, de toute préférence. Cette sorte de santé est liée à l’ouverture d’esprit et à l’appréciation de l’expérience immédiate. C’est tout ce qui nous permet de faire l’expérience directe de notre propre santé brillante et de celle des autres, quand nous regardons les choses comme sacrées, et que notre esprit est libre de fixation. Cela inclut des pratiques formelles et informelles de l’attention. Dans un chapitre ultérieur, nous étudierons comment aider les autres à développer leur pratique de l’attention en utilisant leurs expériences de tous les jours.

Qu’est-ce que nous et les autres, considérons comme sacré ? Dans quelles domaines de notre vie cultivons-nous l’expérience directe ? Sommes- nous capables de faire la différence entre l’expérience directe et le concept ? La plupart des gens sont capables de faire cette distinction dans certains domaines de leur vie.

Mon père était un golfeur insatiable. Nous avions l’habitude de dire en blaguant que c’était sa religion. Lorsque je lui parlais de la méditation, il comprenait beaucoup de ce que j’en disais, car c’était semblable à son expérience du golf. S’il pensait trop à la manière de frapper un coup, il était trop tendu, et la balle allait trop loin, ou dans la mauvaise direction. S’il n’y pensait pas du tout, la balle pouvait aller dans la bonne direction, mais à distance insuffisante. Et s’il laissait son esprit se détendre, en laissant ses pensées aller et venir sans être emprisonné par elles, alors, il pouvait rassembler son corps, sa parole et son savoir, et frapper vraiment un bon coup.  Il en savait beaucoup quand à la manière de lâcher prise des pensées distrayantes.

Nous pouvons nous intéresser aux moments où nous sommes ouverts. Par exemple, sommes-nous ouverts à l’expérience de nos perceptions sensorielles – ce que nous pouvons voir, entendre et ainsi de suite ? Ou nous détournons-nous des choses que nous étiquetons comme déplaisantes, en refusant même d’en faire l’expérience ? Par exemple, je n’aime pas l’aubergine. Si je sais qu’il y a de l’aubergine dans un plat, je fronce du nez et je m’attends à un mauvais goût. Récemment, j’ai été très surprise d’aimer un plat et par la suite, d’apprendre qu’il contenait de l’aubergine. A cause de mon attitude, je n’avais jamais vraiment goûté l’aubergine auparavant. J’avais seulement goûté mes idées sur l’aubergine.

Sommes-nous prêts à ressentir toutes les sensations ? Lesquelles pouvons-nous accueillir ? Je connais de nombreuses femmes qui acceptent facilement d’être tristes. Mais si elles commençent à ressentir de la colère, c’est tellement difficile et indésirable, qu’elles ne se la laissent pas ressentir. Elles la transforment en tension dans le corps, ou même en dépression. Je rencontre de nombreux hommes qui font exactement le contraire. La colère est acceptable, mais le chagrin est à rejeter comme une faiblesse. Ce sont des schémas habituels que nous avons appris en grandissant dans une culture particulière. Nous pouvons trouver plus facile d’être ouverts à certaines émotions plutôt qu’à d’autres. Celles auxquelles nous sommes ouverts sont une opportunité de voir notre aptitude à manifester cette santé.

A quel point sommes-nous capables de faire l’expérience directe de notre corps ? Il y a-t-il des parties de notre corps avec lesquelles nous sommes plus en contact que d’autres ? Je me souviens avoir une fois assisté à un atelier où le présentateur décrivait une posture, qu’il appelait « la voûte ». Dans cette posture, le pelvis est basculé vers l’arrière et, pour compenser, la tête bascule vers l’avant. Il suggérait que cette posture venait du refus de sentir la région génitale, de ressentir notre sexualité. Chez une personne qui a la posture de « la voûte », on remarque qu’il y a plus d’ouverture à ce qui est vu avec les yeux, qu’à ce est ressenti dans le bas ventre.

Lorsque la santé de l’ouverture est voilée, elle peut se manifester sous l’aspect d’un grand entêtement ou d’une certaine épaisseur d’esprit. Lorsque nous nous sentons lents, paresseux et stupides dans un certain domaine de notre vie, cela indique que nous avons perdu le contact avec la sagesse de l’ouverture. Par exemple, on peut se rendre compte qu’on n’arrive pas à se souvenir d’aller chez le médecin pour faire un bilan de santé. On a peut-être peur de ce qu’il pourrait nous dire. On oublie notre rendez-vous pour maintenir notre ignorance.

La sagesse qui permet d’apprécier la richesse de notre expérience

Cette sorte de sagesse, associée à la couleur de l’or pur, est liée au fait de reconnaître nos richesses inhérentes, nos ressources. Celles-ci peuvent être matérielles ou psychologiques. Quelles sont nos forces ? Jusqu’à quel point en avons-nous conscience ? A quel moment prenons-nous bien soin des autres ? De nous-mêmes ? Nombreux sont ceux qui font preuve d’une grande générosité envers les autres, mais pas envers eux-mêmes.

Quand manifestons-nous une confiance authentique ? Un jour, j’ai connu une étudiante, qui était très calme en classe et qui ne parlait que si on le lui demandait. Elle semblait très calme et paisible parmi ses camarades de classe, même en dehors des cours. Puis je l’ai vue danser. Elle avait une confiance totale en sa capacité à s’exprimer à travers le mouvement. Elle était éblouissante et belle à regarder. Sa confiance se manifestait beaucoup plus fortement dans son corps que dans sa parole.

Dans quels domaines tolérons-nous les différences ? Sommes-nous capables d’apprécier les différences ethniques ? Ou peut-être simplement différentes cuisines exotiques ? Dans quels domaines nous apprécions-nous ? Sommes-nous en amitié avec nous-mêmes ?

Apprécier la richesse de l’expérience inclut les aspects de notre monde, les choses matérielles, les gens, les qualités. Être capable d’apprécier les accomplissements des autres est une ressource considérable qui permet de nous éloigner de la jalousie et de la mesquinerie. Apprécions-nous un roman à énigmes bien écrit ? Sommes-nous particulièrement reconnaissants quand nous entendons un concerto pour violon magnifiquement joué ?

Comment exprimons-nous l’appréciation de nos perceptions sensorielles ? A travers  la musique classique ? La peinture ? MTV[1]? Apprécions-nous nos sensations physiques ? Faire l’amour ? La nourriture ? Apprécions-nous nos émotions ? Lesquelles ? Certaines personnes aiment vraiment se sentir le cœur tendre. Elles diront qu’un film est merveilleux s’il les a fait pleurer. D’autres, des parapentistes, des escaladeurs, des fans de films d’horreur, passent vraiment un bon moment lorsqu’ils ont peur. Ils apprécient le sentiment d’être en vie, qui accompagne la peur.

Lorsque la sagesse de l’appréciation est voilée, cela peut se traduire par un sentiment de pauvreté, ou par la sensation que nous n’en valons vraiment pas la peine. Cela peut aussi se manifester par l’opposé, l’arrogance. Deux distorsions de cette sagesse fondamentale consistent à avoir l’impression qu’on n’est jamais assez bien, ou à agir comme si on était le centre du monde. Ce sont les signes que nous avons le potentiel de manifester beaucoup d’appréciation, même si nous ne le faisons pas à présent.

La sagesse de la clarté de l’esprit

La troisième sorte de sagesse est en corrélation avec le développement de notre intellect, de notre curiosité, et de notre clarté. Elle est associée à la couleur bleu profond d’un ciel clair. Qu’est-ce qui pique notre curiosité ? Quel sujet nous est irrésistible ? Comment l’abordons-nous ? Par exemple, plongeons-nous directement dans le vif du sujet dès qu’on parle d’opéra ? Ou dès qu’on parle de politique ? Ou de football ?

Je connais une femme qui se passionne pour tout ce qui concerne la mafia. A n’importe quel moment, elle peut vous parler de ses membres, de leurs coutumes, de l’histoire. Elle est comme une enfant excitée à la vue d’un nouveau jouet. Sa curiosité enthousiaste la conduit à lire chaque nouveau livre publié sur le sujet, à regarder chaque film et chaque documentaire. Il y a quelques années, elle a reconnu, dans la rue, un homme que la police recherchait. C’est clairement un domaine dans lequel elle a développé cette sorte de santé de l’esprit!

De quelle manière cultivons-nous cette aptitude à penser clairement ? Pesons-nous le pour et le contre avant d’entreprendre un projet ? Surveillons-nous nos finances ? Dans notre travail, utilisons-nous notre capacité d’analyse ?

Dans quels secteurs déployons-nous notre instinct quant au fonctionnement des choses ? Je me souviens qu’il y a quelques années, je vivais dans une petite maison au bord d’un lac. La pompe d’un puits, très pauvre en eau, se bloquait continuellement. Un jour, alors qu’un ami me rendait visite, elle se bloqua de nouveau. J’avais l’habitude d’appeler le propriétaire et de me fâcher quand il mettait plusieurs jours à venir la réparer. Mon ami, sans un instant d’hésitation, me dit: « Allons voir, peut-être saurons-nous nous dépatouiller. » J’étais estomaquée, car je n’avais jamais été curieuse en mécanique. J’avais toujours considéré cela comme quelque chose d’à moitié magique. Et bien sûr, il regarda la pompe; il lui donna un bon coup et elle redémarra immédiatement. Par la suite, j’ai pu la relancer par moi-même. Cet ami faisait preuve de cette santé de la curiosité. (Et moi, à l’évidence, j’avais pratiqué l’opposé!)

Si quelqu’un est conscient de la manière dont fonctionne un certain schéma habituel, c’est le reflet de cette sorte de santé. Quand, par exemple, une jeune femme se rend compte qu’elle choisit continuellement le même type d’hommes indisponibles, et que cela se termine par des relations insatisfaisantes, elle a commencé à voir comment un événement amène le suivant. La prochaine fois, cela peut la conduire à faire un choix différent.

Parfois, des alcooliques parlent de l’importance pour eux d’imaginer ce qui se passerait s’ils prenaient un verre. Cela peut sembler glamour et relaxant, mais l’expérience a montré que ça les conduit à vomir, et que c’est tout sauf glamour. Avoir ainsi recours à notre esprit logique montre la santé de la clarté en nous.

Éclaircir nos buts et nos intentions fait également partie de cette sorte de santé. Quelles sont nos aspirations et quels sont nos espoirs ? Que voulons-nous offrir à nous-mêmes et aux autres ? A quoi donnons-nous de la valeur ? Quelles vues religieuses, philosophiques ou spirituelles avons-nous ?

Une personne peut en avoir assez d’elle-même, quand elle n’a pas été à la hauteur de son éthique personnelle. Elle ressent alors un certain dégoût d’elle-même. Si, en tant qu’aides, nous sommes capables de reconnaître la santé présente dans ce dégoût, nous pouvons nourrir la clarté qui voit au travers des supercheries passées et des hypocrisies envers soi-même. En même temps, nous devons être attentifs à ne pas nourrir la tendance à devenir agressifs envers soi-même quand on découvre ses erreurs.

Travailler sur des limites et les respecter peut faire partie de cette sagesse. Suivons-nous un horaire ou avons-nous une routine ?  Sommes-nous à nos rendez-vous à l’heure ? Sommes-nous capables de dire non ?

A un moment donné, je travaillais avec une cliente sur le fait de savoir fixer des limites à ses filles d’âge adulte, qui lui imposaient tout un tas d’exigences déraisonnables. Un jour, elle m’a appelée à la maison. Cela n’était pas permis dans le contexte de notre relation, au Centre de soins psychologiques local. Je lui ai dit que je ne pouvais pas lui parler au téléphone, et que si elle ressentait le besoin de parler, elle devait appeler le numéro téléphonique d’urgence du centre. Elle a raccroché plutôt mécontente. Je ne me sentais pas particulièrement à l’aise non plus. Mais lorsque nous nous sommes rencontrées la fois suivante, il s’est avéré que, finalement, cela lui avait été bénéfique. D’une certaine manière, cela lui avait montré qu’il était possible d’être clair et ferme lorsqu’on mettait des limites. Pour la première fois, cette semaine-là, elle est parvenue à dire non à une revendication de l’une de ses filles.

Puisque cette santé implique l’usage de l’intellect, tout ce sur quoi nous avons un savoir et une compréhension précis peut refléter cette santé. Connaissons-nous tous les classements des équipes de football ? Pouvons-nous reconnaître toutes les sortes d’oiseaux dans notre région ? Pouvons-nous comprendre ce qui ne va pas quand notre voiture ne démarre pas ? Pouvons-nous expliquer comment les tragédies de Shakespeare étaient un commentaire des politiques Elisabéthaines ?

Nous avons vu comment la répulsion et l’agression envers soi peuvent contenir les graines de cette sorte de sagesse. La colère est, elle aussi, souvent le signe que cette sagesse de la clarté existe en nous, à l’état de potentiel. Habituellement, lorsque nous nous mettons en colère, nous rejetons quelque chose que nous n’aimons pas. Mais il a bien fallu d’abord qu’on voit clairement cette chose que l’on rejette!

La sagesse de la compassion et de la relation authentique

La quatrième santé est notre capacité à avoir une relation authentique. C’est associé au rouge, chaleureux et éclatant. De quelle manière prenons-nous acte du lien qui existe avec les autres ? De quelle façon recherchons-nous la communication avec eux ? Cette santé se trouve dans nos tentatives d’aller vers les autres. La communication authentique prend un grand nombre de formes.

Je connais un couple qui se dispute beaucoup, et lorsqu’une fois je leur demandai pourquoi ils se disputaient autant, ils m’ont regardé avec un grand étonnement. « Se disputer? On ne se dispute pas. Nous discutons des choses. » Ils étaient d’accord là-dessus. Clairement, ils communiquaient de manière correcte entre eux. J’étais celle qui avait un problème.

Dans quelles situations exprimons-nous de la sollicitude en écoutant ? C’est souvent la meilleure façon d’exprimer notre lien avec les autres. Écoutons-nous nos employés ? Nos enfants ? Nos parents ? Notre partenaire ? L’absence de volonté d’écouter est souvent le plus gros obstacle dans les relations. Je connais de nombreuses familles au sein desquelles il n’est pas facile de placer un mot. C’est un tel cadeau quand quelqu’un s’asseoit simplement, et écoute ce qu’on a à dire!

Cette sagesse va au-delà du simple fait d’être aimant ou gentil. Comment manifestons-nous de la compassion ? Par exemple, peut-être qu’une mère portée sur la critique manifeste en fait de la compassion envers son enfant. Même si elle semble très négative et critique et crit beaucoup, lorsqu’on l’écoute plus attentivement, on se rend compte qu’en fait elle exhorte sa fille à ne pas laisser les autres adolescents la convaincre de faire quelque chose qu’elle ne veut pas faire. Son attitude peut amener son message à se perdre, mais son intention d’aider sa fille est généreux et authentique.

Dans quelle mesure sommes-nous là pour les autres ?  Sommes-nous capables d’être avec un ami qui est en deuil ? Sommes-nous prêts à ressentir l’impuissance et le chagrin qui surgissent en nous lorsque nous lui tenons compagnie ?

Nous sommes également en lien avec les autres au travers de toutes nos relations formelles. Quels sont nos liens avec les autres dans des associations, ou au travail ? Dans quelles mesures sommes-nous participant ? Dirigeant ?

Quand on y regarde de plus près, on voit à quel point nous sommes tous reliés et interconnectés. Notre capacité à ressentir ce lien et à entrer en contact les uns avec les autres en faisant preuve d’une compassion véritable et d’une communication authentique, est la quatrième sorte de santé.

Les expressions confuses de cette sorte de santé se manifestent à chaque fois que nous devenons exigeants dans nos relations, que nous devenons possessifs et nous accrochons à l’autre. La tentative désespérée d’échapper à notre solitude à tout prix peut nous conduire à avoir des relations insatisfaisantes et même dangereuses. C’est pourtant un signe de la santé cachée en nous.

La sagesse de l’action habile

Le dernier type de santé est l’action efficace et compatissante. Elle est associée au vert, la couleur des plantes qui poussent et des feux de circulation nous indiquant d’avancer.

En cherchant à reconnaître cette santé de l’esprit, on peut se demander dans quels domaines on fait preuve d’efficacité et de compétence ? Quel rapport avons-nous au travail, à la fois professionnel et domestique ? Savoir comment bien faire notre métier fait partie de cette santé. Observer un cuisinier au travail peut parfois nous donner l’exemple de ce que peuvent être la grâce et l’élégance alliées à l’efficacité. Les œufs sont cuits sur le plat, les pommes de terre sont sautées, le café est filtré, et les toasts ne sont pas brûlés. Faire les courses au supermarché, équilibrer le budget, se souvenir d’aller chercher un enfant après sa leçon de piano et un autre après sa séance de football sans arriver trop tard à la maison pour commencer la préparation du dîner, exige cette sorte de compétence. Un aveugle qui utilise son ouïe pour déterminer ce qui se passe fait preuve de cette sorte de santé de l’esprit. Une personne valide qui se sert de sa vue pour assembler un patchwork, en fait preuve également.

Sommes-nous créatifs ? Savons-nous rendre une maison accueillante, en utilisant seulement un peu d’argent ? Est-ce qu’on peint ? Est-ce qu’on joue d’un instrument de musique ? Est-ce qu’on écrit de la poésie ? Est-ce qu’on invente des chansons drôles?

Bien sûr, agir pour aider les autres, c’est aussi faire preuve de cette sorte de santé. Lorsque la sagesse de l’action habile est voilée, cela peut devenir de l’activité dénuée de sens, ou de la précipitation. Cela peut prendre la forme d’une grande rapidité mentale, notre esprit se précipitant sauvagement, ou répètant de manière obsessionnelle les mêmes histoires ou les mêmes peurs irréalistes. Ces expériences, qui occasionnent de la douleur et qui ne sont utiles à personne, peuvent malgré tout contenir le germe de cette sagesse.

L’éventail complet des sagesses

La combinaison de ces cinq sagesses peut amener quelqu’un à lire un livre sur la manière d’être utile. La volonté d’essayer quelque chose de nouveau est le signe de la santé de l’ouverture. Se poser et examiner nos ressources montre que la sagesse de l’appréciation est présente. La curiosité d’apprendre comment le faire, est un signe de la sagesse de la clarté de l’esprit. Le désir d’entrer en relation avec les autres et de les aider reflète la sagesse de la relation authentique, et mettre en pratique ce que nous avons appris exige la sagesse de l’action habile.

Il n’est pas particulièrement important d’arriver à comprendre de quelle sagesse peut relever telle ou telle expérience ou action particulière. En examinant l’éventail complet de la santé de l’esprit, nous cherchons à devenir capables de voir les aspects de notre propre vie ou de celle des autres qui reflètent la santé et que nous n’aurions pas forcément vus autrement.

Il est également important de remarquer la santé de l’esprit, même lorsqu’elle est déformée ou déguisée. On ne peut pas toujours voir qu’il y a de la santé en regardant simplement à la surface des choses. Quand nous recherchons la santé de l’esprit, comme c’était le cas ci-dessus dans les exemples du couple querelleur et de la mère critique, nous devons exercer notre curiosité et dépasser la simple surface des choses. Par exemple, une personne psychotique qui rêve d’organiser un spectacle artistique fabuleux, afin de gagner beaucoup d’argent pour nourrir tous les enfants du monde, fait preuve de compassion. Une femme qui reste au foyer pour nourrir ses enfants alors qu’elle est maltraitée par son conjoint, peut également manifester de la compassion. Ces deux exemples peuvent clairement être examinés à la fois sous l’angle de la confusion et de la santé de l’esprit. La personne psychotique, qui rêve d’organiser un spectacle, peut dans le même temps ne pas faire attention aux petits détails de son alimentation. La mère, victime de maltraitance, peut s’exposer, ou exposer ses enfants au danger.

Notre intérêt pour la santé de l’esprit nous conduit naturellement à encourager la curiosité, l’ouverture, et la chaleur chez ceux que nous souhaitons aider. Ce que nous essayons de faire, c’est de reconnaître la santé de l’esprit. Si nous nous intéressons à la santé de l’esprit, cela a une influence sur ce que nous trouvons important de poursuivre, sur ce qui a de la valeur à nos yeux et cela oriente ce sur quoi porte notre  curiosité. Les personnes que nous aspirons à aider peuvent alors commencer également à reconnaître la santé. Nous décidons de nous tourner résolument vers la santé brillante et de la cultiver, où qu’elle réside.

©Extrait de: How To Be a Help Instead of a Nuisance,

par Karen Kissen Wegela,

Shambhala Publications, 1996

©Traductions Karuna France 2006


[1] Chaîne télévisée de clips vidéo

[2] Dans cet exemple, le type de cuisinier est celui qui reçoit dix commandes en même temps de plats rapides à cuisiner. Aux Etats-Unis, il fait la cuisine à la vue de tous.